L'écoconstruction: un feu de paille?
C'était au début des années 2000, un groupe de jeunes visionnaires (considérés à l'époque comme une bande de marginaux) mobilisaient leurs forces dans un audacieux projet de rénovation écologique : celui du Centre culture et environnement Fredéric Back.
Ils faisaient alors l'acquisition d'une ancienne école du centre-ville de Québec avec l'intention d'agrandir le bâtiment afin de regrouper une trentaine d'organismes de la région sous un même toit.
Photo: Centre de l'environnement Construction du mur en ballots de pailles : Mathieu Caron à l'oeuvre. |
Rénovation écoénergétique de la chaufferie, végétalisation du toit, système de récupération des eaux pluviales, mobilier fabriqué de matériaux sains, rien n'était laissé au hasard. On tentait même une première au Québec dans le secteur commercial, la construction de murs isolés en ballots de pailles.
L'objectif? Servir de vitrine technologique au bâtiment durable. « On n'est pas des ayatollahs de la paille. L'idée c'était de démontrer la validité de la construction verte », raconte Mathieu Caron, entrepreneur, directeur d'Écobâtiment, et responsable de chantier. Rendre ses lettres de noblesse à l'écoconstruction et faire la preuve qu'au 21e siècle ses artisans ne sont plus motivés par la nostalgie de l'époque hippie, mais par la nécessité de réduire l'empreinte écologique d'une industrie extrêmement énergivore et polluante.
Construire l'avenir
Photo: Centre de l'environnement Mur isolé en ballots de pailles sur quatre étages. |
En effet, selon la Commission de la coopération environnementale,le cadre bâti représente environ 30 % de l'énergie consommée par le Canada et, à lui seul, il contribue pour 35 % aux émissions de gaz à effet de serre du pays, et c'est sans compter que l'industrie de la construction « traditionnelle » génère des quantités colossales de déchets.
« Les bâtiments, ça devrait être comme les aliments préemballés sur lesquels on appose une étiquette nutritionnelle. On devrait pouvoir acheter une maison et être informé sur sa teneur en composés organiques volatils, en urea-formaldéhyde et autres toxines présentes dans les adhésifs, les colles, les finis et les laques », défend Mathieu Caron. Autant de produits qui, à forte concentration, peuvent être nocifs pour la santé et auxquels nous sommes exposés quotidiennement. Après tout, l'homme passe entre 75 et 90 % de sa vie dans le bâtiment.
Or, au dire du spécialiste, pour renverser la vapeur il faut d'abord que les gens et l'industrie de la construction comprennent que le bâtiment durable ce n'est pas une contrainte, mais une opportunité.
Un changement de mentalité difficile à opérer dans un milieu souvent accusé d'être trop conservateur. « Le problème en construction c'est le partage de risque. Les coûts d'exploitation sont extrêmement élevés, donc les coûts d'apprentissage également », note le directeur d'Écobâtiment.
Le coût du risque
L'erreur coûte cher. Pourquoi l'industrie hasarderait-elle quelques bizarroïdes technologies vertes, alors qu'elle possède déjà des techniques qui ont fait leur preuve avec le temps?
Qui a oublié l'histoire des trois petits cochons? Les maisons de pailles sont soufflées comme des châteaux de cartes et l'industrie de la construction craint de se faire avaler par le loup.
Or, c'est malgré tout ce qui risque de se produire si ses représentants restent sur leurs positions. D'abord, parce que les gens sont de plus en plus soucieux de consommer de façon responsable. Ensuite, parce que les commerçants n'ont pas été trop longs à flairer la bonne affaire.
Comment faire le saut sans se brûler les ailes? « Le problème avec le bâtiment durable, c'est qu'on essaie de garder les vieilles méthodes et d'y intégrer les techniques écologiques », remarque Mathieu Caron. « Il faut, ajoute-t-il, un processus de concertation, de conception, lequel est extrêmement douloureux pour beaucoup de monde dans l'industrie de la construction. » Douloureux ou pas, s'ils veulent prendre le virage vert, les différents acteurs de l'industrie de la construction et les écologistes ne pourront plus évoluer en vase clos.
Asseoir tout le monde autour de la même table pour permettre un nouvel arrimage, le groupe Écobâtiment a fait la gageure d'y parvenir et il a gagné son pari. Depuis décembre dernier, l'organisme offre un cours sur l'application du développement durable en construction aux entrepreneurs et aux travailleurs du milieu.
Le rôle du politique
Photo: Centre de l'environnement Terrasse sur le toit...vert ! |
L'industrie s'aventure donc prudemment sur le terrain des verts, mais ce n'est pas à elle seule qu'incombe la responsabilité de faire bouger les choses. Selon le directeur, un alignement politique s'impose : une réglementation et des incitatifs financiers.
« On l'a vu ailleurs, il suffit que les gouvernements fassent un geste ambitieux de développement durable et que le milieu des affaires saisisse la balle au rebond pour que ça marche », dit-il.
Or, ce type d'actions politiques est souvent le résultat d'impératifs fonctionnels et économiques. L'Europe centrale et la Scandinavie, par exemple, ont une bonne longueur d'avance sur le Québec en matière de bâtiments durables. Cependant, force est de constater que ce sont des régions où, non seulement l'électricité coûte cher, mais qui manquent également d'espace. Ces pays sont quasi contraints à l'innovation verte, alors que dans la belle province les ressources abondent et les coûts d'électricités sont ridiculement bas.
Pour l'instant, rien ne force le Québec à faire le choix du bâtiment durable. Le changement est davantage porté par des convictions écologiques et des espoirs commerciaux, mais qui sait jusqu'où cela pourrait nous mener? « Tout est exponentiel dans le domaine de l'écoconstruction. Il y a 6 ou 7 ans, les gens d'affaires voyaient ça comme un truc de hippies... plus maintenant. J'espère que dans 10 ans, on ne parlera plus de bâtiments verts, mais de ceux qui ne le sont pas », conclu Mathieu Caron.
Les principes du bâtiment durable selon Mathieu Caron :
- La rénovation : au Canada, entre 50 et 75 % des matières résiduelles déversées dans les dépotoirs proviennent de l'industrie de la construction. Évitez de produire davantage de déchets et privilégiez la rénovation à la construction.
- La localisation : ville, campagne ou banlieue, où s'installer? Vous hésitez? Optez pour les agglomérations urbaines.
Rappelez-vous l'équation suivante : + de monde = + services de proximité = + de transports en commun, de vélo et de marche = - de déplacement en voiture = - d'émissions de CO2. Une formule gagnante!
- Le monde : ce sont les gens qui habitent le bâtiment qui lui donnent sa véritable couleur! Vous avez opté pour une construction verte ? Adoptez une attitude conséquente et soyez vert jusqu'au bout.
« Si tu habites une maison en ballots de pailles et que tu vas chercher ta pinte de lait en voiture, ça ne marche pas. »
— Mathieu Caron
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2009/01/29/001-ecologis-ecoconstruction.shtml
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